
Coco à Rambouillet : « Dessiner, c’est résister face aux menaces sur la liberté d’expression »
[EXCLU GSO NEWS] Coco à Rambouillet : « Dessiner, c’est résister face aux menaces sur la liberté d’expression »
Ce vendredi 7 novembre 2025, la dessinatrice Coco dédicaçait son dernier ouvrage « Signé Coco » à la librairie BD Flash de Rambouillet. Nous lui avons posé quelques questions à cette occasion.
Pouvez-vous parler de ce dernier ouvrage ?
Oui. Il s’agit d’un florilège de dessins acceptés ou refusés de Charlie et de Libé.
Ce livre a la spécificité de contenir aussi des BD inédites qui reviennent sur le processus de création de certains dessins. En voici un qui défend le droit à l’IVG pour les femmes aux Etats-Unis, un autre sur les chasseurs, et le fameux dessin sur Gaza.
Coco revient sur le fameux dessin sur Gaza, objet d’une polémique dont la presse s’est fait l’écho.
Ce dessin était pour moi d’une grande simplicité, je souhaitais dénoncer la famine à Gaza et apporter un peu d’ironie, il évoque le jeûne et la famine. La controverse vient d’une députée LFI qui a dit « Vous n’aurez pas notre haine mais vous la méritez ». Quand j’ai vu ce message passer, ça m’a fait bondir car il s’agissait d’une élue de la République qui non seulement reprenait la phrase d’Antoine Leiris qui a perdu sa femme au Bataclan, mais se permettait de la dire à quelqu’un comme moi qui exerce son métier et elle sait que j’ai survécu à l’attentat de Charlie, elle ne peut pas l’ignorer.
Le livre présente une sélection de dessins exigeante avec des dessins non légendés que l’on peut comprendre, qui marquent des périodes ; conflits divers, comme la guerre en Ukraine, avec des chapitres comme une chronologie historique. Ces dessins couvrent une histoire récente, ils s’échelonnent sur ces quatre dernières années.
Il y a aussi des sujets de société : metoo, les violences faites aux femmes, le droit de critiquer les religions. Il y a de la gravité mais aussi beaucoup d’amusement, notamment dans la politique.
Etes-vous attachée à une maison d’édition en particulier ?
J’ai publié des livres dans la maison d’édition de Charlie Hebdo qui s’appelle les Echappés, notamment une adaptation du Banquet de Platon avec Raphaël Eindhoven, un autre sur la condition animale « Pauvres Bêtes ! ». Je me suis rendue aux douanes de Roissy, dans les SPA, à Marineland, c’est un engagement qui me tient à cœur, et Charlie est l’un des premiers journaux à avoir traité le sujet. Cabu et Cavanna y étaient très sensibles, très mobilisés pour la défense de la cause animale et de la diversité, c’était donc tout naturel pour moi de publier là-bas.
Aujourd’hui, « Signé Coco » est publié aux Arènes. J’avais tenté de participer à un livre en 2012, intitulé « l’histoire du Sexe », je n’avais pas été retenue, mais Laurent Müller, proche de Charb et Tignous, connaissait les gens de Charlie. Il m’a proposé après l’attentat de raconter l’événement dans un livre, je n’avais pas du tout l’esprit à ça, mais en 2020 quand j’ai dû témoigner en cour d’assise au Procès des attentats de janvier 2015, j’étais dans une toute autre perspective car il fallait que je mette des mots sur les événements, ce que je n’avais pas fait jusque-là, j’ai alors commencé à dessiner, sans me mettre la pression, et c’est venu naturellement, mes dessins ont constitué le livre « dessiner encore » sorti en 2021. Il parle du métier de dessinateur, de l’envie de continuer, de résister, de ce qui s’est passé, « signé Coco » parle de cette passion, de cette envie de continuer, c’est une œuvre de résistance.
Le dessin de presse est-il menacé actuellement ?
Effectivement, il y a de moins en moins de kiosques, on se tourne vers le numérique, les gens s’informent via les réseaux sociaux, avec des informations pas forcément sourcées. Il y a beaucoup de menaces sur la presse, mais le dessin de presse résiste plutôt bien. L’IA nous questionne, mais les dessinateurs réagissent avec sensibilité et indignation face au monde. Colère, indignation, émotion ne peuvent pas être prises en charge par l’IA. Même chose pour les photographes. Le monde se dit offensé pour tout et rien, mais nous, dessinateurs, pensons universel, humain, nous critiquons des idéologies pas des personnes. C’est un combat d’idées. Il ne faut pas céder au chantage émotionnel, il faut parfois penser contre soi-même.
Peu de dessinatrices-autrices encore aujourd’hui, pensez-vous que cela va changer ?
Il y a eu Bretécher, bien sûr. Je suis actuellement la première femme à publier dans un quotidien national, à Libé à la suite de Willem. Il m’importe peu aujourd’hui d’être une femme, mais je serai heureuse de voir arriver de jeunes dessinatrices, j’ai envie de les encourager, de leur dire, c’est possible de faire sa place. Cabu avait cette sensation que les femmes avaient d’autres chose à dire, complémentaires. Le dessin que je fais sur l’IVG aurait été différent s’il était réalisé par un homme. Même si je trouve celui de Reiser « défense d’avorter » incroyable. Dessinateurs et dessinatrices ont une réelle complémentarité.
Propos recueillis par Françoise Boyer pour Grand Sud-Ouest Parisien – News
Crédit photo : Jean-Pierre Morvan 🔗
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