
Le Mystère du vitrail [Part 12/16]
Chapitre 11
L’énigme est enfin résolue, pourtant Charabias tourne en rond en se triturant les mains. Comment se procurer l’argent nécessaire, il leur en faut pour le tailleur et pour activer le sortilège de l’énigme. Hélas, s’il possède bien une barre ou deux de plomb, il n’a pas la pierre philosophale, donc ne peut les transformer en or. Son mentor lui a raconté que c’était possible, mais ne lui en a jamais fait la démonstration.
Il se trouve dans une impasse et ne sait comment l’avouer à sa douce protégée. À la réflexion, le qualificatif de douce, risque vite de se transformer en des termes moins élogieux à son égard quand elle saura.
– Cessez de tourner en rond ! s’exclame Sing-sing, que son petit manège interpelle. Crachez le morceau.
L’expression employée est étrange, mais le ton lui ne souffre aucune ambiguïté. Il ferait mieux de tout lui dire.
– Je suis un piètre mage, commence-t-il pour l’amadouer. Je suis pauvre.
– Ce qui veut dire ? demande-t-elle d’un ton suspicieux.
– Que je ne possède pas les cliquailles réclamées dans l’énigme et que ma magie est inutile dans ce domaine.
Sing-sing comprend enfin ce qui le met dans cet état. Il leur faut trouver une solution pour réunir la somme nécessaire pour le tailleur et pour le sortilège. Si cela n’était que pour le tailleur, se passer de beaux atours est envisageable, par contre concernant le sortilège, cela signifie que le retour à sa vie d’avant est compromis.
Les minutes passent, Charabias s’est figé sur place et Sing-sing est murée dans le silence. Elle cherche comment sortir de cette impasse.
– J’ai trouvé ! s’exclame-t-elle. Il faut les gagner !
– Gagner quoi ? s’étonne Charabias.
– Les cliquailles évidemment, rétorque Sing-sing.
L’évidence saute enfin aux yeux du mage, mais cela ne résout pas vraiment le problème. Reste le comment gagner la somme espérée.
Après un long temps de réflexion, Charabias se rappelle avoir vu lors d’une précédente visite de l’atelier des vitraux, celui dédié à l’empereur Charlemagne. Plusieurs scènes de batailles y figurent, il y en a même une consacrée à un tournoi.
– Suis-moi, nous devons aller au tournoi, affirme-t-il en la prenant par la main.
Sans résister et se laissant guider, Sing-sing se retrouve devant le vitrail en question. Le sablier trône juste au-dessus et il se retourne dès que tous les deux traversent le vitrail. Les voilà maintenant en plein tournoi médiéval, sur la grande place de la cité. Des hommes en armes, s’affrontent à l’épée. Les tintements métalliques des lames sur les écus et les armures, ne couvrent guère les cris de la populace. Populace ravie d’avoir été conviée à la fête, même les artisans ont cessé un temps leur travail pour y assister. Dans une tribune construite pour l’occasion, les nobles et leur cour sont présents. Plusieurs gentes damoiselles poussent des cris d’effroi quand un des combattant s’écroule terrassé. Cris bien vite remplacés par des ovations pour le vainqueur.
L’arrivée impromptue des deux intrus, provoque quelques rumeurs. Puis un silence suspicieux se fait. Les combats cessent et tout le monde regarde en direction du mage et de sa compagne, qui s’approchent de la tribune.
– C’est trop d’honneur, que d’avoir votre visite mage, raille le seigneur de la cité depuis la tribune.
– Je ne vous savais pas chevalier, renchérit la Gente dame à côté de celui-ci.
– Je ne le suis pas, confirme Charabias d’une voix forte. Mon art n’est pas celui du combat, mais celui de la magie.
– Hélas mage, ici nous combattons une arme à la main, reprend le seigneur. Pas à coup de sortilèges.
Lui et sa compagne éclatent de rire, aussitôt suivis de l’ensemble des nobles et autres, qui ont été conviés à assister au tournoi.
– Moi je le peux ! s’écrie soudain Sing-sing, en tentant de couvrir les rires et les quolibets.
Interloqué par les mots de la damoiselle qui percent le brouhaha, le seigneur se lève. D’un geste il intime le silence aux nobles comme aux manants. Quand les voix se taisent enfin, sous son regard impérieux qui passe de gauche à droite dans la tribune, il daigne alors le poser à nouveau sur la protégée du mage.
– Voyez-vous cela, annonce-t-il d’un ton sarcastique. Oyez mes nobles invités, nous avons-là une donzelle qui nous défie. Donnez-nous votre avis sur la chose maitre d’armes.
Le maitre d’armes assis non loin se lève à son tour, pris au dépourvu par la question du noble. D’un regard torve il toise l’impudente. Comment ose-t-elle demander à combattre, c’est une affaire d’homme ? De plus elle est trop chétive pour supporter le poids de l’armure et il ne se prive pas de le faire remarquer d’un ton railleur.
– Cette donzelle ne peut même pas soulever une épée à deux mains, alors une armure ! ironise-t-il. C’est se moquer de nous seigneur.
Campée sur ses jambes, les poings sur les hanches, Sing-sing subit sans broncher les rires et quolibets qui reprennent de plus belle. Charabias décide de venir à sa rescousse en usant de sa magie. Il claque des mains en prononçant un sortilège et provoque le bruit du tonnerre. Tout le monde lève les yeux au ciel, les manants comme les nobles. Seul le seigneur et Sing-sing ne se quittent pas des yeux. Une joute de volonté s’est engagée entre ces deux-là.
– Si fait, clame soudain le seigneur, que le regard de la jeune femme finit par indisposer. Il n’est pas de bon ton de mêler cette joliette à ces combats. L’affaire est entendue.
Par cette pirouette verbale, le seigneur pense en avoir fini avec elle. Que cela va en rester là.
– Que le tournoi reprenne, déclare-t-il d’une voix forte.
Charabias pose la main sur le bras de Sing-sing, pour lui conseiller d’abandonner l’affaire. Il voit bien à son regard fixe et son visage crispé, qu’elle est prête à les mettre en fâcheuse posture. Mais c’est peine perdue.
– Laissez choir, nous trouverons un autre moyen d’obtenir les cliquailles, lui suggère-t-il d’un ton apaisant.
Hélas, elle ne l’écoute pas. Sans même tenter de retirer sa main, elle ne détourne pas le regard qu’elle pose sur le seigneur. Alors que celui-ci s’apprête à se rassoir, elle s’écrie d’une voix ferme.
– Je peux battre n’importe lequel de vos archers !
Le défi est lancé, plus rien ne peut plus l’arrêter. Le maitre d’armes s’insurge, fait valoir que cela ne change rien au fait qu’elle ne peut combattre, même un arc à la main. Pourtant le seigneur se ravise, reste debout et d’un geste intime le silence au maitre d’armes. En fait, tout cela l’amuse beaucoup, voilà qui va troubler la monotonie de ce tournoi. Un peu d’imprévu n’est pas pour lui déplaire.
– Je vous trouve bien présomptueuse, Gente dame, dit le seigneur d’un ton faussement offusqué. Mais ce n’est pas pour nous déplaire. Je vais donc accéder à votre sollicitation.
Se tournant vers le maitre d’armes, il lui ordonne de faire dégager le terrain du tournoi, pour mettre en place céans une épreuve de tir à l’arc. Sur ces mots il se rassoit et croise les mains sur son ventre légèrement bedonnant.
– Ne trouvez-vous pas la chose coquasse ma mie, dit-il en se penchant vers la Gente dame assise à son côté.
Sans répondre celle-ci incline la tête pour approuver.
Alors que tout autour cela s’active pour obéir à l’ordre du seigneur et le satisfaire dans les plus courts délais, Charabias entraine Sing-sing à l’écart. Un aller-retour via le vitrail est impératif pour que le sablier se retourne. Ils ont besoin de plus de temps en ces lieux, ce n’est pas le moment de se retrouver coincer ici.
À leur retour, leur absence n’a même pas été remarquée. Tout est en place, quoi de plus normal, la magie du vitrail est à l’œuvre. Le tournoi d’archerie va pouvoir commencer. Les cibles sont placées pour commencer à une cinquantaine de pas, une promenade de santé pour les archers du moyen-âge. Sing-sing en compte cinq, ses quatre adversaires sont déjà en position, trois séries de dix flèches enfoncées dans le sol à portée de main. Ils ont choisi de se placer sur les côtés, elle est donc obligée de prendre la cible centrale.
Un sourire aux lèvres, elle s’avance jusqu’à la ligne de tir. C’est de bonne guerre, ses adversaires veulent la déstabiliser en la cernant de chaque côté. Comme cela, où qu’elle regarde, elle sera témoin de leur habileté.
Chapitres précédents :
- Le Mystère du vitrail Part 1/16
- Le Mystère du vitrail Part 2/16
- Le Mystère du vitrail Part 3/16
- Le Mystère du vitrail Part 4/16
- Le Mystère du vitrail Part 5/16
- Le Mystère du vitrail Part 6/16
- Le Mystère du vitrail Part 7/16
- Le Mystère du vitrail Part 8/16
- Le Mystère du vitrail Part 9/16
- Le Mystère du vitrail Part 10/16
- Le Mystère du vitrail Part 11/16
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